Direction musicale de Sylvain Cooke
Mise en scène est de Mireille Thibault

Livret de Francesco Maria Piave d’après le drame "DON ALVARO O LA FUERZA DEL SINO (1835)" de Angelo Perez de Saavedra , duc de Rivas.

Musique de Giuseppe VERDI
Créé à Saint-Petersbourg
(10 Novembre 1862)

Notamment fin différente et ouverture.
Concours de Ghislanzoni Scala
(Milan 27 Février 1869)


RÉSUMÉ

L’action de La force du destin se joue en Espagne et en Italie au milieu du XVIIIe siècle. A Séville, l’histoire d’amour entre Leonora di Vargas et Don Alvaro tourne au tragique lorsque ce dernier tue accidentellement le père de la jeune fille, le marquis de Calatrava. Craignant la vengeance de son frère, Carlo, Leonora se réfugie au couvent de Hornachuelos, alors qu’Alvaro s’engage dans l’armée espagnole en Italie, au Sud de Rome.

Il y sauve la vie d’un adjudant qui n’est autre que Carlo, mais ils ne se reconnaissent pas tout de suite. Blessé plus tard lors des combats, Alvaro récupère, mais une fois la vérité révélée, le duel entre les deux hommes est évité de peu. Alvaro, retourne en Espagne.

Cinq ans plus tard, Carlo retrouve son ennemi devenu homme d’église à l’ermitage de Hornachuelos. Cette fois, Alvaro se défend et blesse mortellement Carlo, ne pouvant cependant empêcher ce dernier de poignarder sa propre sœurs

 

PRINCIPAUX PERSONNAGE

 

Le Marquis de CALATRAVA : Simon Charette (baryton)

Donna Leonora DI VARGAS, sa fille : Annick St-Louis (soprano)

DON CARLOS DI VARGAS, son fils : Yves Lortie (baryton)

DON ALVARO : Donald Lavergne (ténor)

PREZIOSILLA, jeune bohémienne : Consuelo Morosin (soprano)

Le Père GUARDIANO, moine franciscain : Luc Major (baryton)

Frère MELITONE, moine franciscain : Philippe Bolduc (baryton)

Trabuco : Rodrigo Monardes (ténor)

Alcade : Jean-Claude Boudreau (baryton)

Muletiers, paysans espagnols et italiens, soldats espagnols et italiens, frères franciscains, mendiants et mendiantes, villageois espagnols et italiens.

L’action se déroule en Espagne, près de Séville, et en Italie, à Velletri, vers la moitié du 18 ème siècle.

 


ARGUMENT



ACTE I - La demeure du marquis de Calatrava

Leonora, malgré le remords à l’idée d’abandonner son père et sa maison "Me pellegrina ed orfana" est prête à se laisser enlever par son amant Don Alvaro. Elle est surprise par son père le marquis de Calatrava qui veut faire arrêter Don Alvaro par ses serviteurs. Alvaro se défend et ne consent à mourir que de la main du marquis: il s’offre désarmé et jette son pistolet. Le coup part accidentellement et le marquis est mortellement blessé. Avant de mourir, il a le temps de maudire sa fille.


ACTE II

1er tableau: une auberge à Hornachuelos

Au cours de leur fuite, Léonora et Alvaro ont été séparés. Chacun croit l’autre mort, mais Don Carlos le frère de Leonora les sait vivants et parcourt le pays à la recherche du meurtrier de son père et de sa soeur qui a jeté le déshonneur sur leur famille.

L’action se déroule dans une auberge du village de Hornachuelos proche du célèbre couvent de la Madonna Degli Angeli (La Madone des Anges). Leonora, qui a fui les siens, habillée en homme, se cache parmi des pèlerins et est réfugiée là par hasard. Elle reconnaît dans l’auberge son frère Don Carlos, déguisé en étudiant ("Son Pereda") qui recherche le meurtrier de son père. A sa vue, Leonora se retire. S’affirmant sous le nom de Pereda être l’ami de Don Carlos, l’étudiant raconte l’histoire de ce dernier parti poursuivre en Amérique l’assassin de son père. Vivandière, gitane et recruteurs Preziosilla incite les jeunes à combattre les allemands en Italie ("al suon del tamburo") et ne croit guère à l’identité prétendue de l’étudiant. Sous les moqueries de Preziosilla, peu dupe de l’histoire de Pereda (Don Carlos), tous partent se coucher. Leonora qui s’était mise à l’écart a tout entendu.


2ème tableau :
Dans la montagne, près d’Hornachuelos

Le couvent de la Madonna degli Angeli

Leonora, toujours déguisée en homme se présente à la porte du couvent de Diangeli. Madone des Anges ("son Giunta") . Le récit de son frère qu’elle a donc réussi à entendre lui a révélé qu’Alvaro n’était pas mort lors de leur fuite. Se croyant abandonnée par lui , elle implore le pardon de la madone pour son péché ("Madre, Pietosa Vergine"). Entendant le choeur des moines, elle décide de demander asile, et malgré le rebuffades du Frère Mélitone, parvient à voir le père Gardien ou Guardiano dont elle implore la faveur de vivre recluse dans la grotte secrète de la montagne. Magnifique duo entre Leonora et Guardiano ("Piou tranquillo l’alma sento...") Devant l’église, au son de l’orgue et du choeur des frères, Guardiano demande la bénédiction de Dieu ("Il Santo Nome") et avec la communauté, maudit quiconque oserait violer l’incognito du frère accueilli aujourd’hui. Plus aucun mortel ne verra Leonora, qui joint sa voix à la prière à "La Vergine degli angeli".


ACTE III


1er tableau - Un champ de bataille, près de Velletri en Italie

Croyant Leonora morte, Alvaro s’est engagé. Devenu capitaine, il s’est couvert de gloire sous un nom d’emprunt. Il évoque tout d’abord son destin ("La vita e inferno, All’infelice"). Héritier du dernier royaume Inca, ses parents, massacrés, il a du cacher sa naissance à tous, et subit un inexorable destin.

D’un tripot voisin, des cris le tirent soudain de sa rêverie. Alvaro sauve un officier d’une rixe de jeu. Ce dernier n’est autre que Carlos di Vargas, caché sous un faux nom qui jure à son sauveur une reconnaissance éternelle (Duo: "Amici invita, in morte"). Appelé au combat, Alvaro en revient gravement blessé, sauvé à son tour par Carlos. Craignant de mourir, il confie à son ami un écrin, avec mission de le détruire s’il ne survit pas ("solenne in quest"ora).

Carlos soupçonneux, ouvre l’écrin et y découvre le portrait de sa soeur. Apprenant alors qu’Alvaro est sauvé, il exulte de joie à l’idée d’assouvir sa haine en le tuant.


2ème tableau : Un camp militaire quelques temps après

Alvaro guéri est provoqué par Carlos qui fait connaître sa véritable identité (duo: "Scale, il segreto"). Carlos jure de tuer Alvaro et Leonora et tire son épée - Un duel s’amorce lorsqu’une patrouille les sépare. Désespéré, Alvaro décide de se retirer dans un couvent.

Soldats italiens et espagnols, marchands ambulants, mendiants, vivandières et gitans dont Préziosilla animent la vie du camp où l’on retrouve aussi Melitone, qui s’emporte comiquement contre tous. Preziosilla entonne un "Rataplan".


ACTE IV



1er tableau
Au couvent de la Madonna degli Angeli, 5 ans plus tard

Melitone distribue la soupe aux pauvres et s’emporte contre eux. Guardiano le réprimande et lui prêche la clémence.

C’est alors que survient Carlos, qui a retrouvé la trace d’Alvaro, caché sous l’habit du père Raphaël. N’ayant toujours pas renoncé à venger son père, il se fait reconnaître d’Alvaro qu’il provoque violemment - Celui-ci lui prêche la paix (Duo: "Le minaccie, i fieri accenti") et jure de son honneur et de celui de Leonora. Carlos, en le giflant, réveille sa fureur: ils s’élancent dehors, l’épée à la main.


2ème tableau - Devant la grotte qui sert d’ermitage

Leonora invoque la paix et la fatalité. Elle aime toujours Alvaro, et appelle la mort de ses voeux. Grand air ("Pace, mio Dio") - On vient, elle maudit la profanation du refuge sacré. C’est Alvaro qui, venant de blesser à mort Carlo, cherche un confesseur et a pensé au mystérieux ermite de la grotte. Il découvre avec stupeur que cet ermite n’est autre que Leonora. Celle-ci court alors réconforter le moribond mais Carlo trouve encore assez d’énergie pour poignarder sa soeur avant de mourir. Alvaro est désespéré par ce bain de sang et s’apprête à maudire son sort quand le Padre Guardiano entre accompagnant Leonora blessée. Le moine invite les deux amants à accepter leur dure destinée dont une autre vie plus heureuse les dédommagera. Apaisée, Léonor incite Alvaro à prier et à espérer le pardon divin puisqu’elle meurt sereine. Cet appel au pardon transfigure Alvaro qui accepte enfin son destin. Guardiano prêche la miséricorde, l’incitant à vivre pour expier (trio: "Non Imprecaro").


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Le livret de la Force du destin a été tiré par Francesco Maria Piave, vieux complice de Verdi depuis Ernani (1844) du drame DON ALVARO O LA FUERZA DEL SINO de l’aristocrate espagnol Angelo PEREZ DE SANVEDRA duc de Rivas (1791-1865) - L’auteur était à la fois dramaturge, peintre, soldat et homme politique. Ses idées libérales lui valurent quelques années d’exil en France et c’est à Paris qu’il écrivit son drame, lequel fut créé en 1835 à Madrid. C’est donc peu après Hernani et sa fameuse bataille (1830) que fut conçue la pièce. C’est dire qu’il s’agit d’un drame romantique plus exactement d’un mélodrame, caractérisé comme il se doit par le mélange des genres et l’absence d’unités de temps et de lieu.

La Force du Destin est une oeuvre de la pleine maturité de Verdi. Elle succède au Bal Masqué à 3 ans de distance (1862) et précède les 4 derniers chefs d’oeuvre du maître DON CARLOS, AIDA, OTELLO et FALSTAFF.

Après un Bal Masqué, VERDI feint de se consacrer à sa mission politique et annonce son intention de poser la plume. Sincère ou non, parvenu à 45 ans à l’apogée de son génie inventif, il sait qu’il faut, d’une façon ou d’une autre, tourner une page Pourtant, en 1861, Verdi se sent d’autant plus fort qu’il est sans rival sérieux. Bellini et Donizetti, disparus, la nouvelle vague sombrera lamentablement: Boïto, avec sa première version de Méfistofélé. Conclusion d’une année consacrée davantage à la vie politique qu’à la musique, le 27 Janvier 1861, VERDI qui vient d’être élu député, non sans réticences, va passer quatre mois au parlement à Turin. Or VERDI a reçu une lettre du ténor Enrico Tamberlick, fort influent à l’opéra italien de Saint-Petersbourg, et immense ténor qui promenait à travers l’Europe un ut dièse de poitrine dont il tirait beaucoup de fierté allant de l’Ottavio de Mozart au Florestan de Beethoven; Le compositeur se trouvant alors à Turin pour assumer sa charge de député, ce fut en réalité Guiseppina, autorisée à ouvrir ses lettres, et sans doute séduite à l’idée du voyage qui répondit.

VERDI suggère dans un premier temps Ruy Blas. Mais le projet effarouche les serviteurs du Tsar. Parmi les sujets envisagés, VERDI accepte le drame du Duc de Rivas: Alvaro ou la force du Destin, proposé par le Théâtre Marinski le 3 Juin 1861; Verdi connaissait la pièce du Duc de Rivas éditée à Milan en 1850 et il en fit lui-même l’éloge "la pièce est puissante originale et d’une grande envergure; et je l’aime énormément". Le 18 Juin 1861, Verdi signe son accord définitif, avec optimisme.

VERDI dirigeant la plume de son librettiste Piave, anticipe musicalement le livret dont il avait déjà en tête le développement dramatico-musical, et composa la partition vocale entre la mi-septembre et la fin de novembre 1861. Tandis que Guiseppina, excitée par ce voyage vers la "capitale du froid" se livrait à la préparation matérielle du séjour, pour laquelle elle prévoit notamment des pâtes, tagliatelles et macaronis, dont Verdi était très friand, cent bouteilles de Bordeaux ordinaire, vingt de Bordeaux supérieurs, et vingt bouteilles de champagne. Le couple passa par Plaisance, fait une étape à Paris, pour se munir de produits nécesaires à un hiver chez le Tsar, puis par Berlin et Varsovie et arriva en chemin de fer le 6 Décembre à St Petersbourg. Conduits par l’imprésario de l’orchestre dans le magnifique appartement qu’on leur avait réservé, Verdi et Guiseppina furent heureusement surpris par la chaleur des appartements russes qui n’excédaient pourtant pas 17 degrés (Verdi parle de 13 ou 14 degrés: "un éternel printemps" commente-t-il sans ironie.)

Il faut se rappeler qu’en France, la température moyenne dans les maisons bourgeoises était alors d’une douzaine de degrés. Bref, le couple fut rapidement enchanté de la vie russe, sans pour autant rester aveugle devant tous les pauvres en général et les cochers en particulier qui restent parfois des journées entières et une partie de la nuit immobiles sur leur siège, exposés à un froid mortel, en attendant leurs maîtres qui font la noce enfermés dans de tièdes et splendides appartements, tandis que certains de ces malheureux sont tués par le froid.

Du point de vue musical, tout se présentait à merveille.

Sinon que la soprano Emma la Grua était souffrante que Verdi ne parvint pas à lui trouver une remplaçante.

Si bien que le compositeur finit par demander qu’on repousse la création de son opéra l’année suivante. La musique de VERDI et la musique italienne jouissaient d’une telle faveur en Russie qu’on accéda au voeu du musicien. Verdi fignole sa partition, va faire créer à Londres son Hymne des Nations sur des vers de Boïto... Fin septembre, les époux Verdi sont de nouveau à Saint Pétersbourg et après six semaines de répétition durant lesquelles il paracheva l’orchestration de son opéra, celui-ci est enfin créé le 10 Novembre 1862 et connaît un triomphe de plusieurs semaines. Le Tsar ne put assister à la création mais parut pour la 4ème représentation, appela Verdi dans sa loge pour le féliciter et lui fit mander deux jours plus tard la croix de commandeur de l’ordre de Saint Stanislas. Le public fit un triomphe à Verdi, mais la critique fut moins unanime.

La Force du Destin, grand opéra populaire en Italie et en Allemagne ne s’est imposé que difficilement en France.: la cause la plus certaine en est l’extravagance de son action extraordinaire accumulation de circonstances tragiques et le caractère à la fois boursouflé et décousu d’un livret qui n’a guère son pareil dans toute l’histoire du Théâtre lyrique. En bref, la force du destin est "une histoire qui commence comme Don Juan " et qui finit comme "Hamlet"...

Non seulement les problèmes dramatiques inhérents au livret ne permirent pas de les éviter, mais les différentes représentations à venir allaient augmenter la liste des victimes, comme si l’oeuvre voulait se venger des critiques sévères à son égard;.. Il y a pour commencer ce report de date de la première à Saint-Pétersbourg devenu nécessaire en raison de la maladie de Mme Grua, la créatrice du rôle de Leonora.

Verdi préfère repousser la représentation à l’automne suivant proposant entre-temps une autre Leonora: Caroline Barbot. Celle-ci au lendemain de la première tombe gravement malade et ne remontera jamais sur une scène. Un autre chanteur victime de la force du Destin, mourra tragiquement en scène, un siècle plus tard, alors qu’il s’apprêtait à chanter son grand air de l’acte II: il s’agit du grand baryton américain Léonard Warren qui rendit son dernier soupir le 4 mars 1960 devant le public du Metropolitan Opéra à New-york. Onze ans plus tard, le chef d’orchestre Michel Plasson reçoit le rideau de scène sur la tête, au cours d’une représentation du même opéra à Toulouse. Ainsi lorsqu’en 1975 Rolf Lieberrmann décide de créer l’oeuvre au Palais Garnier, prudent R. Liebermann fait remplacer les cierges servant de procession aux moines à l’acte II par un système électrique, parant ainsi à un éventuel incendie. Et pourtant un figurant se blesse grièvement en tombant dans une fosse, et le grand Christ en croix, haut de 6 mètres, élément principal du décor, s’écroule soudain pendant une représentation . Une catastrophe de ce genre était déjà survenue à Buenosaires: La force du Destin devint une véritable tragédie puisqu’il y eut ce soir là non pas 3 morts (comme cela était prévu dans l’action de l’opéra) mais six. Le lustre du théâtre, semblable à celui du Palais Garnier, s’étant écroulé en plein spectacle.

Dramatique incohérent, l’opéra n’en possède par moins une puissance magnifique qui repose sur l’art qu’a acquis Verdi de varier ses efforts, de ménager ses contrastes, de créer des atmosphères saisissantes sans compromettre l’unité de son style.

C’est au 2ème acte de l’ouvrage que se résument touts ces qualités: art du contraste entre l’animation turbulente de l’auberge et la grave prière à cinq voix chantée par les pèlerins au premier tableau - Art des atmosphères au second tableau dans la reprise obsessionnelle du destin - Exposé dès l’ouverture et le grand air de Léonora "Deh non m’abandonna" qui se déroule dans sa belle phrase musicale, d’une sobriété pathétique. La scène entre Leonora et le Père supérieur Guardiano est l’une des plus belles qu’ait écrites VERDI. - Art des contrastes et de la création d’atmosphère tout à la fois dans la conclusion du deuxième acte - Enfin, lorsqu’on invoque la protection de la Madonna Degli angeli, la voix de Leonora, détachée sur le choeur des moines dont la beauté apaisée s’oppose à toutes les scènes violentes ou pittoresques de l’opéra.

Si l’opéra montre un VERDI parfaitement maître de ses moyens, qui se sont considérablement affinés depuis NABUCCO, il apporte aussi la preuve d’un nouveau talent comique qui s’épanouira 30 ans plus tard dans FALSTAFF. Voici au 3è acte, la prédication du Frère Mélitone, personnage truculent dont le discours coloré se trouve farci de contrepèterie.

Pour en revenir aux spécialistes et critiques, quant à eux, plus partagés ou mieux dire perplexes devant cette oeuvre. Ils en louent la qualité musicale, mais sont tentés de critiquer sévèrement le sujet, car rarement scénario fut aussi riche de péripéties catastrophiques, coïncidences désastreuses et incroyables coups du sort. Mais le ressort de l’intrigue est justement cette "force du destin" qui accable comme à plaisir les protagonistes du drame. critiquer le scénario, c’est donc critiquer l’essence même de l’oeuvre, une oeuvre dont l’intensité dramatique a séduit VERDI et fouetté son inspiration.

VERDI ne se satisfait point de la version originale de son opéra de 1862 créé à Saint-Pétersbourg. Un finale trop meurtrier l’influence grandissante du Wagnérisme peut être le convainquirent de revoir ce grand opéra . Riche de sa révision du MACBETH parisien (1865) et de la nouvelle mutation opérée avec DON CARLOS (en 1867) il donna en 1869 une version définitive à Milan. Remaniement du livret avec Antonio Ghislanzoni. Cette version définitive de la Forza qui outre la composition de la célèbre OUVERTURE, remaniait en plusieurs endroits la partition et modifiait radicalement le finale en supprimant le suicide d’Alvaro qui sentait trop son romantisme noir, c’est cette version qu’on joue L’ouverture de la Force du Destin est un des plus célèbres morceaux symphoniques du musicien . On notera sur les cinq thèmes de cette sinfonia quatre sont attachés à Léonora et 3 d’entre eux réapparaissent dans la grande scène du 2ème acte avec le Gardien, tandis que le cinquième appartient à Alvaro. Cette ouverture populaire au meilleur sens du mot, est la plus jouée dans les concerts, car vis-à-vis des autres ouvertures célèbres du compositeur: "Les vêpres siciliennes" ou de "Nabucco" elle est mieux ciselée, orchestrée, et peut être plus finement travaillée. On peut la comparer à une chevauchée fantastique, à la puissance d’un destin qui, tel un ouragan, saccage, dévaste tout. Prémonitoire au sens le plus exact, elle montre l’emploi que le compositeur fera de l’Orchestre jusqu’à devenir le personnage principal du drame musical.

Verdi ne sacrifiera jamais le chant, il ne tentera pas de le noyer dans l’orchestre, il ne cherchera pas une fusion mystique. Trop claire pour ces alanguissements, trop épris de la ligne, vrai fil des Lumières, il aspire à l’émancipation, celle des peuples et celle des individus. Ce que son orchestre tentera de faire sentir, c’est d’abord cela: une liberté en marche, intrépide et virile. Et quand le destin s’acharne, il reste extérieur à l’homme - un adversaire avec qui aucune compromission n’est possible, une force certes, et terrible, contre laquelle il faut lutter.

Cette ouverture: une page, mais quelle page ! Bien des compositeurs auraient été heureux de ne laisser que cette ouverture derrière eux.

Autre trait saillant de l’oeuvre est son absence de véritable intrigue, tous les opéras de Verdi reposent sur des conflits dont le spectateur devine l’issue fatale, mais ils y arrivent par un cheminement imprévisible, au gré des péripéties qui pourraient modifier le cours des choses. Dans la Force du Destin au contraire, tout est joué au départ quand un geste maladroit d’Avaro provoque accidentellement, la mort du Marquis de Calatrava. Ce geste meurtrier, le plus grave que l’on puisse commettre, une sorte de parricide, scelle la destinée de tous les personnages: Alvaro ne peut que fuir et espérer mourir en combattant. Leonora doit fuir elle aussi et chercher l’oubli dans un couvent tandis que son frère Don Carlos les poursuit tous deux de sa haine tenace dans le but de les tuer.

On pense au Don Giovanni Mozartien où le drame se noue dès la première scène avec le meurtre du Commandeur et se dénoue dans la dernière avec l’arrivée de la statue. Evidemment, il y a une différence de taille: Don Juan oublie aussitôt son forfait et ne pense qu’à poursuivre sa course au plaisir et ce n’est qu’à la toute fin qu’il subit les conséquences de son geste initial. Leonora et Alvaro au contraire sont hantés par un sentiment de faute et de fatalité qui les paralyse. La comparaison vaut néanmoins sur le plan de la structure d’ensemble: les deux oeuvres font coexister une double temporalité: le temps figé, presque immobile, punition ou vengeance (la statue du Commandeur ou la malédiction . vengeance du Marquis de Calatrava) et un temps ouvert anecdotique, frivole. En ce sens, l’intrigue de Don Giovanni, l’arrivée d’Elvira, la séduction de Zerlina, les menées de Donna Anna - constitue une vaste diversion qui recule l’échéance de la punition sans toutefois la supprimer.

Dans la Forza le nombre des muletiers, des soldats, des pèlerins de Préziosilla ou de Melitone, nous distrait et nous fait oublier un temps celui des Calatrava qui réapparaît périodiquement et finit par s’imposer.

La force du Destin clôt une époque et inaugure une nouvelle et dernière période dans la vie artistique de Verdi qui conduira le musicien, désormais en pleine gloire, à travailler plus intensément ses partitions, à contrôler plus soigneusement son instinct créateur, et à composer sans précipitation ses quatre derniers chefs d’oeuvre: DON CARLOS, AIDA, OTELLO, FALSTA



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